Le peintre et sculpteur Marcel Barbeau, un des signataires du manifeste du Refus global, est mort samedi à l'âge de 90 ans. L'artiste, qui a signé plus de 4000 œuvres, a été un pionnier de l'art abstrait au Canada, en constante recherche et évolution. Il laisse une oeuvre abondante, diversifiée, témoin de son époque.
Né le 18 février 1925 à Montréal, Marcel Barbeau avait tout de l'artiste tourmenté, angoissé, au parcours personnel difficile. La création était pour lui sa raison de vivre.
Élève de Paul-Émile Borduas à l'École du meuble de Montréal, il est initié à l'art moderne. En 1945, il se lie d'amitié avec le peintre Jean-Paul Riopelle. Les deux se joignent au groupe de peintres canadiens les Automatistes qui cosignent le manifeste du
Refus global, publié le 9 août 1948. Ces jeunes artistes sont en rupture avec l'art académique de l'époque, mais aussi avec la société.
Il initie les premières expériences d'expressionnisme abstrait au pays, mettant la spontanéité au service de l'imagination. De cette période datent des tableaux assez sombres, dont le plus célèbre est le Château d'Argol.
Mais éternel rebelle, Marcel Barbeau s'éloigne rapidement des Automatistes.
Dans les années 60 et 70, il s'installe tour à tour à Paris, New York et en Californie, participant à tous les grands courants artistiques de l'époque. Artiste frénétique, adepte de l'expérimentation, il fait aussi de la performance, combinant musique et peinture en direct, et prêtant ses sculptures à des expériences musicales.
Car il a aussi été un grand sculpteur, donnant à des matériaux lourds comme les métaux mouvement et légèreté.
Puis, le peintre lyrique qu'il a toujours été revient aux taches et à la couleur, cette fois à la manière impressionniste, aux tons pastel.
Pendant les années 90, Marcel Barbeau retourne vivre en France, qui lui avait accordé un studio d'artiste en résidence.
M. Barbeau a beaucoup exposé au Canada, aux États-Unis et en Europe. Ses oeuvres font partie des collections de grands musées au Canada et à l'étranger.
Revenu vivre au Québec en 2008, il a continué de peindre, jusqu'à la fin. D'ailleurs, en 2010, dans le cadre du 40e anniversaire de la crise d'Octobre, M. Barbeau a réalisé un monument dédié aux victimes de la rafle policière du 16 octobre 1970.
L'artiste a été récompensé à plusieurs reprises pour son art. Il est notamment reçu à l'Académie royale des arts du Canada en 1993, puis fait officier de l'Ordre du Canada en 1995. En 2013, il reçoit le Prix Paul-Émile-Borduas, après avoir soumis sa candidature à 18 reprises. Cette même année, on lui décerne le Prix du Gouverneur général du Canada en arts visuels et en arts médiatiques, ainsi que le Prix Louis-Philippe-Hébert pour les beaux-arts de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal. En juin 2015, il est reçu officier de l'Ordre National du Québec.
M. Barbeau est « l'un des derniers témoins d'une époque où quelques jeunes gens, forts de leur courage, de leur talent et de leur volonté irrépressible de liberté, sont venus ébranler nombre de certitudes qui brimaient et muselaient l'expression artistique, au Québec. L'œuvre de M. Barbeau est admirable. Elle constitue, à elle seule, une page importante de notre histoire et de notre patrimoine culturel. Marcel Barbeau est l'un de nos plus brillants artistes », a dit le premier ministre Philippe Couillard, lors de la cérémonie de l'Ordre du National du Québec le 15 juin 2015.
En 1998, à l'occasion du cinquantenaire du manifeste Refus global, Postes Canada a publié un timbre commémoratif reproduisant l'une de ses œuvres.
Marcel Barbeau a été brièvement marié à Suzanne Meloche entre 1948 et 1952. Il a eu deux enfants de cette première union, mais ceux-ci ont été confiés, très jeunes, à une garderie. En 1998, sa fille, la cinéaste Manon Barbeau signe le documentaire Les enfants du Refus global. Elle remet en question le choix de certains signataires, dont son père, qui ont privilégié leur art au détriment de leurs enfants.
Quant à sa deuxième épouse, la critique d'art Ninon Gauthier, elle a consacré aux oeuvres de son mari sa thèse de doctorat,
Marcel Barbeau échos et métamorphoses.
SOURCE :
Radio-Canada